LE FIGARO - Qu'attendez-vous de votre voyage en France et en Europe?
Rafael CORREA. - Quand je suis arrivé au pouvoir, en 2007, l'Équateur était en pleine dépression: deux millions d'exilés économiques, un niveau de chômage et de pauvreté insupportable. Je pense lui avoir redonné de l'espérance parce que j'ai misé sur l'éducation et l'innovation. Mais, pour cela, nous avons besoin de pays comme la France afin de créer des échanges technologiques entre les instituts de recherche français et équatorien, comme Yachay, la Cité de la connaissance que nous sommes en train de créer. Mon objectif est de développer cette coopération scientifique.
Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, vit depuis plus d'un an dans l'ambassade équatorienne de Londres. Comment en finir?
La solution de l'affaire Assange est entre les mains des Européens. Si la Grande-Bretagne délivre un sauf-conduit à Julian Assange, le problème est résolu. Mais Londres s'y refuse. Si la justice suédoise veut interroger Assange, elle peut le faire dans l'ambassade ou par vidéoconférence. Elle n'a pas fait cette demande. Nous ne faisons que protéger notre souveraineté qui a été clairement menacée quand les autorités anglaises ont un moment envisagé de donner l'assaut sur notre ambassade.
Il y a quelques semaines, l'avion du président bolivien Evo Morales a été interdit de survol par Paris car on soupçonnait la présence d'Edward Snowden dans l'appareil. Comptez-vous l'évoquer avec François Hollande?
La France est la première à avoir présenté ses excuses pour la séquestration du président Morales à Vienne. L'incident est clos. Je n'en parlerai donc pas avec François Hollande. Cet épisode est une violation du droit international et de la souveraineté bolivienne.
Condamné à une amende record de 19 millions de dollars par un tribunal équatorien pour pollution, Chevron a porté l'affaire devant une cour internationale d'arbitrage à La Haye. Comment réagissez-vous?
Chevron a affronté les 30.000 plaignants privés victimes de ses agissements entre 1960 et 1992 devant la justice, d'abord américaine, puis équatorienne. Chevron est corrompu et corrupteur. En 1998, la compagnie a signé avec le gouvernement équatorien un accord disant que tout avait été nettoyé. Il suffit d'aller sur le terrain pour savoir que c'est un mensonge.
Ensuite, Chevron a attaqué l'Équateur devant un tribunal d'arbitrage en référence au traité de protection des investissements croisés entre les deux pays. Mais ce traité ne concerne pas des litiges privés. C'est incroyable: Texaco (racheté par Chevron) a terminé ses opérations dans le pays en 1992 et le traité de protection des investissements croisés a été signé en 1995! C'est une application rétroactive d'un traité! Il suffit de mettre la main dans le sol d'une ancienne piscine de décantation de Texaco pour se rendre compte que la pollution perdure.
Quelle conséquence la disparition de Hugo Chavez a, selon nous, sur l'Amérique latine?
Il y a des gens nécessaires et d'autres très importants. Mais personne n'est irremplaçable. Hugo Chavez a beaucoup agi pour l'intégration régionale. L'Argentin Nestor Kirchner et le Brésilien Lula aussi. Il y a aujourd'hui une offensive des États-Unis contre cette volonté d'intégration régionale, notamment avec l'Alliance du Pacifique entre le Chili, le Pérou, la Colombie et le Mexique.